Utopies - Hors Cadre

Anne Eliayan et Christian Pic

Photographie

Du 02 . 10 au 17 . 11

« L’utopie est une réalité en puissance » disait Edouard Herriot.

De l’esquisse à la vie qui habite un projet architectural, le projet imaginé par l’architecte prend corps et perd une partie de son dessein. C’est le passage de l’imaginaire au réel, du fantasme au concret. Pour autant, l’utopie reste le fil conducteur du bâtiment et de son occupation. Elle se nourrit de sa torsion, trouve un écho dans sa propre métamorphose.

Tous les jours (jeudi, vendredi, samedi, dimanche, lundi) sauf les mardi et mercredi de 12h à 22h

Le projet d’exposition porté par Anne Eliayan et Christian Pic, de Arles Gallery, rend hommage à ce rapport entre l’architecture, l’utopie, et leur incarnation. À travers  leur objectif, les deux artistes multiplient les points de vue et révèlent des perspectives. Ils interrogent la vision de l’architecte, en recherchent l’essence, et observent la réalisation dans toutes ses dimensions habitées et vécues. Que reste-t-il de l’utopie quand son fruit a vu le jour ? S’inscrit-elle dans le réel, ou ne survit-elle que sur le papier ? 

L’architecture est au cœur même de la naissance de l’utopie, sous la plume de Thomas More, qui voit dans la cité idéale l’écrin nécessaire à la constitution d’une perfection sociale, morale et politique. En imaginant un projet de cité ou d’édifice, l’architecte dessine un projet de vie, de communauté, de rapport aux autres, et à l’espace. De Boulée à Le Corbusier, de Ledoux à Tony Garnier, les architectes visionnaires ont de tous temps proposé un projet de société qui inscrit le bâti dans un nouveau modèle d’organisation de l’espace et de l’habitation. Si certains projets sont des utopies réalisées, d’autres resteront pour toujours ou à jamais « à réaliser ». En perdent-elles pour autant leur statut d’utopies ? 

Le travail de Jean Balladur, sur le littoral méditerranéen, n’échappe pas à cette relation intime entre l’architecture et l’utopie. C’est un constat, celui de l’omniprésence d’un vent trop libre, qui le fait tomber en amour de La Grande Motte et y dédier une bonne partie de son énergie créatrice, la quarantaine arrivant. Il imagine les lignes, façonne les courbes, crée des points de rencontre et des lignes de fuite, que Anne Eliayan et Christian Pic relèvent à la grâce de leurs appareils photos et de leurs recherches. On peut aujourd’hui se promener dans la ville balnéaire sans remarquer l’attention à chaque détail imaginé par l’architecte, mais ils sont bien là. 

De La Grande Motte au stade Raoul Barrière, l’utopie guide l'œil et offre une perspective sur le travail de Jean Balladur, tout en questionnant le spectateur sur la nécessité de comprendre la démarche pour apprécier l'œuvre. La photographie est un témoin de cette recherche de la perfection autant qu’un aveu d’impuissance à la réaliser totalement. L’utopie est peut-être avant tout cette distinction là : la volonté de chercher la perfection, et l’humilité de reconnaître notre incapacité totale à l’atteindre pleinement.

Même constat pour le stade de la Méditerranée, à Béziers. Sa construction fait écho à une idée : celle du retour à une grandeur passée d’un rugby biterrois en déliquescence depuis la fin des années 80. Sa dimension est décriée par nombre d’observateurs, sa forme, entre coquille et ballon de rugby, est tancée par les partisans d’une architecture rationaliste en vogue à l’époque, mais il est là, et bien là. Il affiche plein nombre de soirs de matchs, est reconnu dans le monde du rugby comme une enceinte inédite.

Le projet des Ostals obéît à cette recherche, à cette utopie. Redonner de la vie à une pierre endormie, valoriser le bâti ancien avec une approche contemporaine, chercher la ligne de jonction entre l’hospitalité, la culture, le spectacle vivant, et le patrimoine. C’est un lieu de vie, de rencontres, pluriel et singulier. C’est à la fois ce que ses équipes imaginent, et ce qu’en gardent les passants. hirC’est l’imagination de ses concepteurs et le souvenir qui se grave dans chacun de ses visiteurs. C’est le carrefour entre la vision et le réel, le dessin et le concret. Une utopie imparfaite, mais bien réelle.